L’isolement social et la solitude sont des problèmes de santé publique mondiaux croissants, associés à des effets néfastes sur la santé physique et mentale, notamment un risque accru de maladies cardiovasculaires, de diabète, de dépression et de mortalité prématurée. Malgré l'importance de ces liens, les mécanismes biologiques sous-jacents qui expliquent comment les relations sociales affectent la santé restent mal compris. Une étude récente a cherché à identifier les signatures protéomiques associées à l’isolement social et à la solitude et à comprendre comment ces changements protéiques peuvent contribuer aux effets néfastes sur la santé.
Comment l'étude a été menée ?
Des scientifiques ont analysé les données de plus de 40 000 personnes, en examinant en particulier dans leur sang des protéines spécifiques liées à l'isolement social et à la solitude. Les protéines sont des molécules essentielles dans le corps, et leur niveau peut être influencé par différents facteurs, y compris nos relations sociales.
Les chercheurs ont mesuré les niveaux de 2 920 protéines dans le sang des participants.
Ils ont utilisé des méthodes statistiques avancées pour établir des liens entre ces protéines et l'isolement ou la solitude.
Ils ont également cherché à savoir si la solitude pouvait causer des changements dans certaines protéines, et non l'inverse.
Enfin, ils ont suivi l'état de santé des participants pendant 14 ans pour voir si les protéines identifiées pouvaient être liées à l'apparition de maladies ou au décès.
Principales découvertes
L'étude a révélé que l'isolement social était associé à des niveaux anormaux de 175 protéines, tandis que la solitude était liée à 26 protéines. Ces protéines jouent un rôle dans l'inflammation, la réponse immunitaire et d'autres fonctions biologiques. Une protéine appelée GDF15 était fortement liée à l'isolement social. Une autre, la PCSK9, était fortement associée à la solitude. L’analyse a révélé des voies de chevauchement entre l’isolement social et la solitude, suggérant des mécanismes biologiques communs. Environ 85 % des protéines associées à la solitude étaient communes à l’isolement social, a rapporté l’équipe de recherche.
Les chercheurs ont découvert que la solitude pourrait être la cause de changements dans les niveaux de 5 protéines spécifiques : GFRA1, ADM, FABP4, TNFRSF10A et ASGR1. Ces protéines ne sont pas que des marqueurs, elles agissent aussi comme des intermédiaires, aggravant l'impact de la solitude sur la santé. En particulier, la protéine ADM semble jouer un rôle important en reliant la solitude à des problèmes comme les maladies cardiovasculaires, les accidents vasculaires cérébraux et la mortalité.
Impact sur le cerveau : Il a été observé que la protéine ADM est liée à des changements dans le volume de certaines zones du cerveau impliquées dans les émotions et les interactions sociales.
Inflammation et système immunitaire : L'isolement et la solitude semblent perturber le système immunitaire et provoquer une inflammation.
Ce que cela signifie pour nous
Commentant les résultats pour Medscape Medical News, le Dr Dilip V. Jeste, médecin psychiatre, directeur du Réseau mondial de recherche sur les déterminants sociaux de la santé mentale et président de la Fédération mondiale de psychothérapie, a noté qu'il s'agit de la première étude montrant « des signatures protéomiques plasmatiques robustes et complètes associées à la solitude et à l'isolement social ».
En termes de pratique clinique, l’évaluation, la gestion et la prévention de la solitude dans tous les groupes d’âge paraissent essentielles.
Dépistage précoce : En mesurant ces protéines, il serait possible d'identifier les personnes à risque de souffrir des conséquences de l'isolement et de la solitude.
Traitements ciblés : Ces protéines pourraient devenir des cibles pour des médicaments ou des thérapies visant à contrer les effets négatifs de l'isolement et de la solitude.
L'importance des relations sociales : Cette étude souligne que les relations sociales sont aussi importantes pour la santé que l'alimentation et l'activité physique. Il est donc crucial de maintenir des liens sociaux sains et forts.
« Il est nécessaire de s’enquérir de la solitude de presque tous les patients vus en pratique clinique, tout comme nous interrogeons tout le monde sur ses antécédents de tabagisme. » a déclaré le Dr Dilip V. Jeste.
Cette recherche confirme que l'isolement social et la solitude ont un impact biologique réel sur notre corps, en modifiant le niveau de certaines protéines. Ces résultats soulignent l'importance de préserver nos liens sociaux pour une bonne santé physique et mentale. L'identification de ces protéines ouvre de nouvelles perspectives pour mieux prévenir et traiter les effets néfastes de l'isolement et de la solitude.
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