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La solitude après un deuil

Photo du rédacteur: Fédération liens sociauxFédération liens sociaux

Le deuil d'un conjoint est une épreuve profondément marquante dans la vie, souvent accompagnée d'un sentiment de solitude intense. Bien qu'il soit naturel de ressentir de la tristesse et un certain retrait social suite à cette perte, il est crucial de comprendre que la solitude chronique qui peut en découler n'est pas seulement un fardeau émotionnel. Elle constitue également un véritable problème de santé publique, avec des répercussions significatives sur la santé mentale et physique des personnes endeuillées.


La dynamique complexe de la solitude et du deuil

Des recherches récentes, menées notamment par le Dr Rosanne Freak-Poli et son équipe à l'Université Monash, mettent en lumière la complexité de la solitude et de l'isolement social après le veuvage. Ces travaux soulignent que la solitude est une expérience quasi universelle pour les personnes veuves, qui peut survenir indépendamment de leur âge, de leur sexe, de leur situation géographique ou de leur niveau de soutien social. Il est donc impératif de sensibiliser le public à cette problématique et d'explorer des pistes d'interventions plus efficaces.


Les études montrent que la perte d'un conjoint a un impact différent sur les hommes et les femmes. L'une d'elle, utilisant des données de l'enquête HILDA en Australie, a suivi 749 personnes veuves et 8 418 personnes mariées, a révélé que :

  • La solitude augmente après le décès du conjoint, touchant davantage les hommes dans la première année. Les hommes ont été 3 fois plus nombreux à se sentir seuls durant la première année et les femmes, 2 fois plus nombreuses.

  • L'isolement social, lui, diminue pour les deux sexes, les personnes endeuillées ayant tendance à interagir davantage avec leurs amis et leur famille, bien que cela n'atténue pas le sentiment de solitude.

  • Après deux ans, la solitude reste 50% plus élevée chez les femmes et 100% plus élevée chez les hommes.


Ces différences entre les sexes s'expliquent en partie par les rôles sociétaux traditionnels : les femmes ont généralement des réseaux sociaux plus étendus et sont plus investies dans les relations sociales. Les hommes, quant à eux, dépendent souvent davantage de leur conjointe pour leur soutien émotionnel.


Facteurs aggravants et protecteurs

Si la solitude touche toutes les personnes endeuillées, certains facteurs peuvent aggraver ou atténuer son impact :

  • Pour les hommes, des ressources financières plus importantes peuvent avoir un effet protecteur contre la solitude.

  • Pour les hommes vivant en milieu urbain, les bénéfices en termes de liens sociaux sont plus faibles suite au deuil comparé aux hommes en zones rurales. Il est à noter que les hommes en milieu urbain étaient moins isolés au départ, ce qui pourrait expliquer cette différence.

  • Pour les femmes, le fait d'avoir un emploi ou de faire du bénévolat, de vivre dans la pauvreté ou d'avoir des problèmes de santé mentale à long terme peut exacerber le sentiment de solitude lors du deuil.


Pistes d'action et interventions

Il est important de souligner que les interventions qui visent uniquement à augmenter les interactions sociales ne suffisent pas toujours à réduire la solitude. Il faut privilégier des approches plus ciblées.


La prescription sociale : Cette approche, de plus en plus utilisée dans de nombreux pays, consiste à encourager les professionnels de la santé à orienter les patients vers des activités sociales ou culturelles (cours de cuisine, groupes de marche) plutôt que de se limiter à une prescription médicamenteuse. C’est une approche personnalisée qui peut aider les personnes endeuillées à retrouver du sens à leur vie et à renouer des liens sociaux.


Des interventions ciblées : Il est important de proposer des programmes de soutien qui tiennent compte des besoins spécifiques des hommes et des femmes. Pour les hommes, il peut s'agir d'encourager la création de nouveaux liens sociaux. Pour les femmes, il est important de renforcer les liens sociaux existants et de proposer un soutien émotionnel adapté.


Le dépistage de la solitude : Les professionnels de santé et les organisations associatives locales doivent être attentifs à la solitude pendant et après le veuvage. Un dépistage précoce peut favoriser une intervention rapide et adaptée.


Favoriser les liens émotionnels : Les programmes doivent mettre l’accent sur la qualité des liens sociaux et le soutien émotionnel. Des groupes de soutien entre pairs ou des initiatives de bénévolat pourraient être très utiles.


Conclusion

La solitude après la perte d'un conjoint est un problème complexe qui nécessite une approche globale et personnalisée. En comprenant les facteurs qui influencent la solitude et en mettant en place des interventions adaptées, nous pouvons améliorer la qualité de vie des personnes endeuillées et prévenir les conséquences négatives sur leur santé. La prescription sociale représente une piste prometteuse pour transformer une période de perte en une période de renouvellement des objectifs et des liens sociaux. Il est donc impératif que les décideurs politiques accordent la même importance à la santé sociale qu'à la santé physique et mentale, en investissant dans des solutions innovantes et ciblées.


Source : Freak-Poli, R., Htun, H. L., Teshale, A. B., & Kung, C. (2024). Understanding loneliness after widowhood : the role of social isolation, social support, self-efficacy, and health-related factors. Archives Of Gerontology And Geriatrics, 129, 105692. https://doi.org/10.1016/j.archger.2024.105692



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