Un appel urgent à retisser les liens sociaux : ce que le nouveau rapport de l'OMS change
- Fédération liens sociaux
- 2 juil.
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L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a présenté le 30 juin dernier un rapport majeur intitulé "De la solitude aux liens sociaux : ouvrir la voie vers des sociétés plus saines". Ce document de référence constitue un tournant historique dans la reconnaissance des liens sociaux comme déterminant essentiel de la santé publique.
Le message est sans ambiguïté : le déficit de liens sociaux n’est pas simplement un inconfort individuel ou une nostalgie du vivre-ensemble. Il s’agit d’un enjeu de santé publique majeur, aux conséquences comparables à celles du tabac ou de la sédentarité.
"Le lien est vital non seulement pour la santé publique, mais aussi pour notre humanité commune. Mes amis, le lien social n’est pas un luxe ; il est essentiel à notre santé, à nos sociétés et à notre bien-être collectif." déclare le Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l'OMS lors de son allocution d'ouverture.
Comprendre les termes : liens sociaux, isolement, solitude
Le rapport établit des définitions claires, essentielles pour cerner l'ampleur du problème.
Liens sociaux : ils recouvrent la manière dont les personnes interagissent, selon trois dimensions :
structurelle : le nombre et la diversité des relations,
fonctionnelle : le soutien reçu ou perçu,
qualitative : la qualité des interactions (positives ou négatives).
Isolement social : un état objectif dans lequel une personne a peu ou pas de relations sociales.
Solitude : un ressenti subjectif désagréable, dû à un écart entre les liens sociaux espérés et ceux effectivement vécus.
Ces dimensions sont distinctes mais interconnectées. L’OMS appelle à reconnaître les liens sociaux comme un pilier fondamental de la santé, au même titre que la santé physique ou mentale.
Une crise mondiale silencieuse
Ce rapport marque un tournant en nous offrant des données sans précédent et des éclaircissements cruciaux.
Les données évoquées dans ce rapport sont particulièrement préoccupantes :
Environ 1 personne sur 6 dans le monde se dit souvent seule (2014–2023).
La solitude est associée à 870 000 décès annuels (2014–2019).
Aucun pays, aucune tranche d’âge, aucun groupe social n’est épargné.
Les conséquences sont majeures :
Dépression, anxiété, maladies cardiovasculaires, diabète.
Retentissement sur l’éducation, l’emploi, la croissance économique.
Coût élevé et lourd fardeau financier aux sociétés.
À l’inverse, des liens sociaux solides améliorent la santé, renforcent la résilience psychologique, favorisent le bien-être et la longévité.
Le rapport franchit une étape essentielle : il démontre que le déficit de liens sociaux n’est pas seulement associé, mais contribue directement à une dégradation de la santé. Pour cela, il s’appuie sur des études longitudinales rigoureuses, les critères de Bradford Hill (référence en épidémiologie), des analyses génétiques par randomisation mendélienne. Les mécanismes en jeu sont biologiques (inflammation, réponse immunitaire), psychologiques (stress perçu, détresse émotionnelle) et comportementaux (retrait, inactivité, conduites à risque).
Un point crucial concerne l'impact des technologies numériques – leur rôle est nuancé, pouvant à la fois causer de la déconnexion (par des comparaisons malsaines ou le remplacement d'interactions en personne) et offrir des opportunités de connexion, en particulier pour les groupes marginalisés (personnes handicapées, migrants, personnes âgées).
Que peut faire la France ?
À ce jour, la France ne dispose pas d’une stratégie nationale dédiée aux liens sociaux, contrairement à plusieurs pays. Le rapport de l’OMS propose différentes recommandations et offre une opportunité historique pour structurer une réponse ambitieuse à la crise du lien social.
1 - Une politique publique forte et transversale
Seulement huit États Membres de l'OMS, tous des pays à revenu élevé, ont déjà des politiques nationales dédiées à la connexion sociale, l'isolement social ou la solitude, dont plusieurs pays européens comme le Danemark, la Finlande, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni. Le Japon dispose d'une loi dédiée et d'un ministre en charge de ces questions. La France pourrait s'inspirer de ces exemples pour développer sa propre stratégie nationale ou intégrer ces préoccupations dans des politiques existantes (santé, éducation, urbanisme, travail, etc.). Ces politiques devraient engager tous les secteurs – secteur public, privé marchand et non marchand, associations... – et être co-développées avec les personnes ayant une expérience vécue.
Des budgets dédiés et une évaluation rigoureuse des politiques paraissent essentiels pour mesurer leur efficacité et partager les leçons apprises
2 - Agir dans les territoires
Les communautés locales sont l'espace idéal pour agir, là où les gens vivent, travaillent, apprennent et jouent. Le renforcement des infrastructures sociales (centres communautaires, parcs, transports, bibliothèques) est un levier puissant pour créer des opportunités d'interactions sociales.
Des exemples concrets comme la conception d'espaces inclusifs ("Deaf space") qui favorisent la communication visuelle ou le modèle de passage piéton de Stockholm qui améliore la mobilité pour tous, montrent comment l'aménagement du territoire peut directement favoriser la connexion.
Les groupes communautaires et les événements (cours de sport, chorales, festivals multiculturels) ainsi que la prescription sociale (orienter les individus vers des services communautaires non cliniques) sont des interventions prometteuses pour augmenter la connexion sociale.
3 - Renforcer les capacités individuelles
Les interventions psychologiques, comme les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) adaptée à la solitude, sont les plus prometteuses pour soulager cet état.
Les formations aux compétences psycho-sociales et les interventions de soutien social (services d'accompagnement, soutien par les pairs) peuvent améliorer la capacité des individus à établir et maintenir des relations de qualité.
Les technologies numériques peuvent jouer un rôle clé dans la réalisation de ces interventions, en particulier pour les personnes en situation de handicap ou celles qui font face à des barrières sociales. Il est cependant crucial de poursuivre la recherche sur leurs bénéfices et leurs risques potentiels, surtout avec l'émergence de l'IA et de la réalité virtuelle.
4 - Stimuler la recherche et l’innovation
Le rapport met en évidence des lacunes importantes dans la recherche, notamment le besoin d'études de meilleure qualité dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, sur les jeunes, et sur l'efficacité des interventions à long terme pour favoriser les liens sociaux, au-delà de la réduction de l'isolement ou de la solitude. La France pourrait contribuer à cet effort mondial en investissant dans la recherche sur ces sujets.
Conclusion : Le chemin à suivre
Ce rapport appelle à un engagement mondial concerté pour faire des liens sociaux une priorité politique, sensibiliser le public et bâtir un mouvement durable impliquant de multiples secteurs.
Le message est clair : la déconnexion sociale est une crise de santé publique mondiale, mais des solutions existent. Le rapport de l'OMS nous fournit une base solide pour agir. Pour la France, c'est l'occasion de se positionner à la pointe dans la construction de sociétés où chacun se sent soutenu et relié de manière significative. En priorisant les liens sociaux, nous pouvons non seulement améliorer la santé et le bien-être de nos citoyens, mais aussi renforcer le tissu social de notre société. Il est temps de passer à l'action et de faire des liens sociaux une priorité.
Pour aller plus loin :
Notre podcast sur ce rapport majeur :
Une présentation résumé de ce rapport
Sources :
Le rapport complet est disponible en anglais en cliquant ICI.
Le résumé du rapport est disponible en cliquant ICI.
L'ensemble des ressources sont disponibles à l'adresse https://www.who.int/groups/commission-on-social-connection/report/
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