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Des interventions contre la solitude sont efficaces : ce qu'une méta-analyse historique nous apprend sur les stratégies à adopter et celles à éviter

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    Fédération liens sociaux
  • il y a 5 jours
  • 5 min de lecture

La solitude n'est pas qu'un sentiment personnel ; elle est reconnue mondialement comme un problème de santé publique critique. Ses impacts négatifs sur la santé et le bien-être sont bien documentés, allant de l'augmentation du risque de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2 au développement de la dépression et de l'anxiété.


Face à ce défi, une nouvelle revue systématique et méta-analyse, menée par le Pr. Lasgaard et ses collègues, représente l'évaluation la plus complète à ce jour de l'efficacité des interventions visant à réduire la solitude. Incluant 280 études menées à travers le monde, cette étude offre des orientations essentielles pour les professionnels du lien social.


La méthode : une synthèse d'ampleur inédite


Les auteurs ont adopté une approche très large, synthétisant les preuves issues de 312 études primaires (dont 280 ont été incluses dans l'analyse quantitative) sur l'efficacité des stratégies de réduction de la solitude, impliquant plus de 30 000 participants à travers le monde. Près de la moitié des interventions ont eu lieu en Amérique du Nord (45 %) et plus d'un cinquième en Europe (22 %), tandis qu'un nombre plus restreint a été réalisé au Moyen-Orient (14 %) et en Asie (13 %).


L'étude a analysé cinq principaux types de stratégies d'intervention visant à réduire la solitude : les interventions de soutien social (accompagnement et compagnie réguliers) ; les interventions sur les réseaux sociaux (création d'opportunités d'interaction sociale) ; la formation aux compétences socio-émotionnelles ; les interventions psychologiques (thérapie ou consultations ciblant la cognition, le comportement ou les émotions) ; et la psychoéducation (programmes éducatifs destinés à mieux comprendre la solitude et ses effets).


Aperçu de la portée de l'analyse :

  • Population : Tous les groupes d'âge sont inclus, couvrant l'enfance, l'adolescence, l'âge adulte et les personnes âgées (65 ans et plus, qui représentaient 54 % des participants).

  • Conception des études : L'analyse a combiné des Essais Contrôlés Randomisés (ECR) — la norme d'or de la recherche — avec des études multicohortes et des études de cohortes à bras unique.

  • Mesure des effets : Les effets ont été mesurés à court terme (jusqu'à 4 semaines après l'intervention) et à long terme (de 1 à 6 mois après l'intervention).


Bien que la méta-analyse soit globale, la certitude des preuves a été jugée faible ou très faible. Cela est dû aux limitations méthodologiques critiques de la littérature existante, telles que des échantillons souvent petits, des procédures de randomisation peu claires et des taux d'attrition élevés (risques de biais élevés ou incertains dans plus de la moitié des études).


Une efficacité restant modérée


Les résultats globaux qui ont été relevés sont encourageants : les interventions pour la solitude sont généralement efficaces pour la réduire à travers toutes les étapes de la vie.


L'effet global des interventions sur la réduction de la solitude est classé comme faible à modéré. L'hétérogénéité des résultats suggère également une variabilité considérable dans les effets réels, signifiant que si certaines interventions futures pourraient réduire substantiellement la solitude, d'autres pourraient n'avoir qu'un impact limité.


Un point crucial pour les professionnels est la durabilité des efforts. L'analyse montre que les effets à long terme (1 à 6 mois post-intervention) sont comparables aux effets à court terme. Cela indique que les interventions réussies génèrent des changements qui peuvent être durables.


L'étude n'a trouvé aucune différence statistiquement significative dans l'efficacité des interventions entre les grands groupes d'âge (enfants/adolescents, jeunes/moyens adultes et personnes âgées). Cela suggère que la solitude peut être abordée efficacement à tout âge.


Les interventions les plus prometteuses : que faire en pratique ?


Pour les professionnels et acteurs qui cherchent à concevoir et à mettre en œuvre des actions concrètes, l'étude a stratifié l'efficacité selon cinq stratégies d'intervention.


Priorité N°1 : Les interventions psychologiques

Les interventions psychologiques se sont révélées être la stratégie la plus efficace et la plus prometteuse pour réduire la solitude. Ces interventions consistent en des services de thérapie ou de conseil qui visent à traiter directement la cognition, l'attention, le comportement ou les émotions des participants. Il peut s'agir de la Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC) ou des programmes de pleine conscience (mindfulness).

Pourquoi sont-elles efficaces ? Elles agissent sur les mécanismes sous-jacents qui maintiennent la solitude, comme la cognition inadaptée (maladaptive cognition), l'humeur basse, et les biais cognitifs qui conduisent au retrait social. L'efficacité est attribuée au fait qu'elles ciblent des processus que ces thérapies sont déjà conçues pour traiter.


Priorité N°2 : Le format collectif

Les interventions basées sur le groupe ont montré un effet significativement plus grand (SMD = −0.59 dans les ECR) que les approches individuelles (SMD = −0.31 dans les ECR).

Pour les professionnels, cela indique une forte justification pour prioriser le format de groupe, car il peut être plus efficace et offre des opportunités d'interventions rentables et accessibles.


Les autres stratégies : un effet faible voire négatif


Certaines stratégies ont montré un effet positif, mais généralement plus faible que les approches psychologiques :

  1. Formation aux compétences psychosociales visant à améliorer les compétences nécessaires pour faciliter la connexion sociale et maintenir des relations significatives (exemples : jeux de rôle ou formation conversationnelle).

  2. Interventions de réseau social visant à élargir le réseau social des participants en créant des occasions d'interaction (exemples : réunions de seniors, groupes d'activités, excursions communautaires).

  3. Interventions de soutien social visant à fournir des soins et de la compagnie réguliers (exemples : services d'amitié ou programmes de mentorat).


La psychoéducation a également montré un effet très faible et certains résultats suggèrent que ce type d'intervention pourrait non seulement être inefficace, mais potentiellement avoir un très léger effet négatif sur la solitude chez certains participants.

Recommandations : vers une approche personnalisée et systémique


Pour la Fédération française pour les liens sociaux, cette étude majeure met en lumière plusieurs impératifs :


1. Adopter des stratégies multiples et personnalisées

Étant donné que la solitude est liée à une multitude de facteurs de risque et de corrélats, il est peu probable qu'un seul type d'intervention convienne à tous. Il est encouragé d'adopter des interventions centrées sur la personne et adaptées aux besoins d'une population cible. De plus, une proportion substantielle des études utilisait plusieurs stratégies d'intervention, reflétant la nécessité d'incorporer divers ingrédients actifs.


2. Cibler la cognition

Les professionnels devraient s'inspirer du succès des interventions psychologiques en intégrant des composantes visant à changer la cognition sociale inadaptée plutôt que de se concentrer uniquement sur l'augmentation du nombre de contacts sociaux.


3. Exiger des évaluations rigoureuses

La faible certitude des preuves est un défi majeur. Il est essentiel que les décideurs et les organismes de financement donnent la priorité à des évaluations robustes et de haute qualité des interventions mises en place, en utilisant des méthodes standardisées et en recrutant spécifiquement des individus qui souffrent de solitude.


4. Investir dans le niveau communautaire

L'étude révèle une lacune critique dans la littérature : le manque d'évaluation des interventions à grande échelle au niveau communautaire ou sociétal. Ces stratégies sont cruciales car elles pourraient offrir des solutions plus durables et plus percutantes que les interventions ciblées sur l'individu. En intégrant des changements dans des systèmes existants — comme les écoles, les lieux de travail et les espaces publics — ces interventions ont le potentiel de renforcer la cohésion sociale et de réduire la stigmatisation.


La lutte contre la solitude exige une action à plusieurs niveaux : individuel, relationnel, communautaire et sociétal. En tirant parti des connaissances sur l'efficacité des approches psychologiques et collectives, et en exigeant une évaluation rigoureuse, les professionnels peuvent maximiser l'impact de leurs efforts sur le lien social en France.


Source : Lasgaard, M., Qualter, P., Løvschall, C., Laustsen, L. M., Lim, M. H., Sjøl, S. E., Burke, L., Blæhr, E. E., Maindal, H. T., Hargaard, A.-S., Christensen, R., & Christiansen, J. (2025). Are loneliness interventions effective for reducing loneliness? A meta-analytic review of 280 studies.American Psychologist. Advance online publication. https://doi.org/10.1037/amp0001578



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