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La solitude à travers les cultures : des enseignements précieux pour la France

  • Photo du rédacteur: Fédération liens sociaux
    Fédération liens sociaux
  • 13 juil.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 17 juil.

La solitude est un sentiment universel, mais sa compréhension et les réponses que nous lui apportons sont souvent ancrées dans des perspectives culturelles spécifiques. Les travaux menés par Luzia Heu et ses collaborateurs de l'Université d'Utrecht offrent depuis plusieurs années un éclairage précieux sur la nature de la solitude à travers différentes cultures, remettant en question certaines idées reçues et ouvrant de nouvelles pistes pour notre action en France.


Dr. Luzia Heu - Université d'Utrecht
Dr. Luzia Heu - Université d'Utrecht

La solitude à travers le monde


Une étude en particulier, basée sur 42 entretiens approfondis menés en Autriche, Bulgarie, Israël, Égypte et Inde – des pays présentant des niveaux de liens sociaux variés – présentent des résultats particulièrement éclairants :


  • Une expérience de la solitude universelle et des définitions étonnamment similaires : La découverte la plus frappante est que les êtres humains expérimentent la solitude de manière assez similaire, quel que soit l'endroit où ils vivent. Les définitions de la solitude ont en fait davantage varié entre les individus qu'entre les cultures. La solitude a été universellement décrite comme une altération de la relation entre le soi et le monde extérieur, distincte du fait d'être seul, perçue comme aversive mais potentiellement bénéfique.


  • La solitude n'est pas toujours synonyme d'isolement social : Contrairement à une idée répandue, la plupart des personnes interrogées se sentent seules pour des raisons non liées à un manque d'interaction sociale objective. La solitude découle souvent de conflits interpersonnels, de ruptures, de pertes, de relations familiales distantes, ou simplement du sentiment de ne pas s'intégrer aux normes sociales. Elle peut également être liée à un manque d'énergie sociale, à des attentes élevées envers les relations, ou au sentiment d'être facilement rejeté. De manière significative, la solitude a été décrite comme pouvant survenir malgré des relations sociales par ailleurs épanouissantes. Les personnes peuvent se sentir seules face à des problèmes, des décisions, dans des situations nouvelles ou non structurées, ou en l'absence d'un but. Un aspect moins étudié, mais mis en évidence, est que l'instabilité interne ou une relation difficile avec soi-même (manque d'amour-propre, d'acceptation de soi) est souvent perçue comme la véritable cause de la solitude.


  • Des remèdes surprenants, l'importance de se relier à soi : Bien que les causes et les remèdes généraux s'inscrivent dans les cadres existants de la littérature, un aspect moins considéré est que la solitude est souvent atténuée par une plus grande indépendance vis-à-vis des autres et un certain retrait social, plutôt que par plus de contacts sociaux. Les stratégies axées sur soi-même, comme se concentrer sur des activités agréables ou ses responsabilités, ou "trier" ses relations, sont perçues comme plus efficaces. Il est également intéressant de noter que la solitude elle-même est parfois perçue à la fois comme cause et comme remède dans toutes les cultures, mais plus souvent comme remède dans les cultures où l'intégration sociale est plus forte.


  • La stigmatisation perdure : Malgré son universalité, la solitude reste souvent mal comprise et stigmatisée dans les conversations quotidiennes, les médias et même la recherche.


Enseignements pour la France


Ces résultats offrent des perspectives profondes et des pistes concrètes pour orienter nos actions :


  • Repenser les interventions anti-solitude au-delà du simple contact social.

L'approche axée uniquement sur l'augmentation des interactions sociales pour répondre à l'isolement ou la situation est insuffisante. Nous devons développer des interventions variées et nuancées, qui ciblent les causes spécifiques de la solitude. Cela signifie explorer des approches qui vont au-delà du "plus de socialisation", pour inclure par exemple la psychothérapie pour aider à remodeler les perceptions relationnelles ou les groupes de soutien pour les personnes se sentant rejetées. Il est crucial d'intégrer des stratégies qui favorisent une meilleure relation avec soi-même, l'acceptation de la solitude occasionnelle et l'indépendance émotionnelle. Pour les personnes souffrant de solitude chronique, la réduction de leurs besoins relationnels excessifs ou le développement de l'acceptation de soi peuvent s'avérer efficaces.


  • Promouvoir une compréhension plus riche et dé-stigmatisée de la solitude.

Ces travaux montrent que la solitude ne peut pas être appréhendée comme le fait d'être "seul physiquement". La solitude peut être ressentie même bien entouré, et elle est souvent le reflet de problèmes relationnels complexes, de défis personnels ou d'un manque de sens. La simple action d'écouter les expériences de solitude sans jugement parait une voie prometteuse.


  • Adapter nos actions au contexte et aux besoins individuels.

Bien que le sentiment de solitude soit universel, ses manifestations concrètes et les situations qui le déclenchent peuvent varier culturellement. Pour la France, cela signifie tenir compte des spécificités de nos normes sociales, des attentes relationnelles et des dynamiques familiales. La diversité des causes de la solitude au sein d'une même culture implique qu'une intervention standardisée est insuffisante. Il est essentiel d'adopter une approche individualisée, reconnaissant que ce qui aide une personne peut être contre-productif pour une autre.


  • Miser sur la communication et la diffusion des connaissances.

Les travaux de Luzia Heu et leur exposition en ligne soulignent l'importance de la diffusion de la recherche via des vidéos, des blogs, des conférences publiques et des podcasts.


"La solitude est une expérience humaine normale, et seules certaines personnes ne s'en remettent pas. Il reste donc beaucoup à découvrir pour trouver des interventions efficaces contre la solitude. Cependant, grâce à mes recherches qualitatives, j'espère favoriser la compassion et l'acceptation en montrant que les expériences de solitude sont bien plus diversifiées et pertinentes pour la plupart d'entre nous qu'on ne le pense souvent." Dr. Luzia Heu - Université d'Utrecht

En conclusion, les travaux du Docteur Luzia Heu nous invitent à une réflexion profonde sur notre approche de la solitude. Pour la Fédération française pour les liens sociaux, cela signifie un appel à la nuance, à l'écoute et à l'innovation dans nos actions. En reconnaissant la complexité et la diversité des expériences de solitude, et en osant explorer des solutions moins conventionnelles, nous pourrons renforcer plus efficacement les liens sociaux en France.


Pour aller plus loin :


  


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