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Les adultes qui se disent « souvent » seuls coûteraient en moyenne 1000 euros/an de plus à la sécurité sociale

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    Fédération liens sociaux
  • il y a 20 heures
  • 4 min de lecture

La solitude, bien plus qu'une simple émotion, est de plus en plus reconnue comme un problème de santé publique majeur à l'échelle mondiale. Ses répercussions sont vastes, touchant la santé mentale, physique, le bien-être et même l'économie. Une récente étude menée au Royaume-Uni par Morrish, Spencer et Medina-Lara (2025) apporte un éclairage inédit sur les coûts associés à la solitude pour le système de santé, et ses conclusions pourraient bien nous interpeller en France.


L'étude en quelques mots : une première à analyser le coût de la solitude à large échelle par tranche d'âge

Cette recherche est la première à analyser les coûts de santé liés à la solitude par tranche d'âge au Royaume-Uni. Elle a utilisé des données de la "Understanding Society UK Household Longitudinal Study", une vaste enquête longitudinale menée auprès d'environ 40 000 foyers britanniques, et plus particulièrement sur les données de la vague 2021-2023, offrant un aperçu précieux de la période post-COVID-19.


L'échantillon analysé était large et représentatif de la population adulte britannique (23 071 répondants âgés de 16 à 101 ans), ce qui est une force notable par rapport à de nombreuses études qui se concentrent uniquement sur les personnes âgées. Les chercheurs ont évalué non seulement l'impact de la solitude sur la santé et le bien-être, mais aussi sur l'utilisation des services de santé (consultations généralistes, visites ambulatoires et jours d'hospitalisation) et les coûts directs pour la sécurité sociale britannique, le NHS (National Health Service).


Le constat le plus frappant : une courbe en U pour les coûts de santé

L'un des résultats les plus significatifs de l'étude est que les coûts de santé associés à la solitude suivent une relation en forme de "U" en fonction de l'âge.


  • Cela signifie que la solitude engendre les coûts de santé les plus élevés chez les jeunes adultes (16-24 ans) et chez les personnes âgées.

  • En moyenne, l'étude a révélé une différence d'environ 900 £ par personne en coûts de soins de santé entre les personnes seules et non seules. Pour les formes de solitude les plus sévères ("souvent"), cette différence pouvait atteindre entre 813,35 £ et 885,49 £ par personne.


Mais pourquoi cette forme en U ? L'étude propose une explication convaincante :

  • Chez les jeunes adultes (16-24 ans) : C'est dans cette tranche d'âge que la différence de coût moyenne est la plus significative statistiquement. L'explication est que les jeunes adultes sont généralement en meilleure santé. Par conséquent, lorsqu'ils souffrent de solitude, leur recours aux services de santé se démarque nettement de celui de leurs pairs non solitaires, dont les besoins de santé sont naturellement plus faibles. La solitude a donc un impact particulièrement visible sur leur utilisation des soins.

  • Chez les personnes âgées (65 ans et plus) : Pour ce groupe, les coûts supplémentaires liés à la solitude sont très importants, mais la différence n'est statistiquement significative que lorsque l'on utilise une définition plus large de la solitude (incluant ceux qui se sentent seuls "parfois" ou "souvent"). La raison avancée est que les personnes âgées ont, de manière générale, des coûts de santé plus élevés. L'impact additionnel de la solitude, bien que substantiel, s'ajoute à une ligne de base déjà élevée, rendant la distinction statistique plus délicate avec une définition stricte de la solitude.


L'étude confirme également que la solitude est associée à une détérioration du bien-être général et de la qualité de vie. Les personnes solitaires présentent :

  • Une détresse psychologique plus élevée.

  • Un bien-être mental positif plus faible.

  • Un fonctionnement physique et mental plus pauvre.

En effet, les scores de santé mentale et physique des personnes solitaires tombaient dans les seuils indiquant la présence d'une condition physique ou d'une dépression clinique, ce qui n'était pas le cas pour les personnes non solitaires.


Quels enseignements pour la France ?

Bien que cette étude ait été menée au Royaume-Uni, dans le cadre du NHS, qui offre des soins "gratuits au moment de l'utilisation", ses conclusions sont hautement pertinentes pour la France. Notre système de santé universel, bien qu'il ait ses spécificités, partage cette caractéristique fondamentale d'accessibilité sans frais directs importants au moment de la consultation, réduisant les barrières financières à l'utilisation des services. Si l'on extrapole ce surcoût à la France, les adultes qui se disent « souvent » seuls coûteraient en moyenne 1000 euros/an de plus à la sécurité sociale, soit un surcoût social d'environ 11 milliards d'euros (si on considère que 15% des français se déclarent seuls la plupart du temps). C’est l’équivalent du budget annuel de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, ou de 220 000 infirmiers supplémentaires.


Voici les principaux enseignements à considérer pour la France :

  1. La solitude est un enjeu pour toutes les générations : L'étude nous rappelle de ne pas limiter notre attention aux personnes âgées. La solitude chez les jeunes adultes (16-24 ans) est un facteur significatif d'augmentation des coûts de santé, et mérite une attention toute particulière.

  2. Un appel à l'action pour les jeunes : Les politiques publiques en France devraient se concentrer davantage sur la détection et le soutien des jeunes adultes qui souffrent de solitude. Des interventions ciblées pourraient non seulement améliorer leur santé et leur bien-être, mais aussi prévenir une utilisation excessive et coûteuse des services de santé.

  3. Nécessité d'études similaires en France : Pour mieux adapter nos stratégies nationales, il serait essentiel de mener des évaluations économiques comparables en France. Cela permettrait de quantifier précisément l'ampleur des coûts pour notre propre système de santé et d'identifier les populations les plus vulnérables.

  4. Évaluer l'efficacité des interventions : Face à ces coûts, l'étude souligne l'urgence d'évaluer économiquement les interventions visant à réduire la solitude. En France, il est crucial d'investir dans des programmes de prévention et de soutien, et d'en mesurer l'efficacité et le rapport coût-bénéfice.


La solitude n'est pas seulement une souffrance individuelle ; elle a un coût mesurable et substantiel pour nos sociétés et nos systèmes de santé. Cette étude britannique met en lumière que cet impact économique est particulièrement prononcé aux deux extrémités du spectre de l'âge : chez les jeunes et chez les personnes âgées. Pour la France, ces résultats doivent servir d'avertissement et de catalyseur pour des politiques de santé publique innovantes et inclusives, visant à construire une société plus connectée et plus saine pour tous, dès le plus jeune âge.


Source : Morrish, N., Spencer, A., & Medina-Lara, A. (2025). How loneliness relates to health, wellbeing, quality of life, and healthcare resource utilisation and costs across multiple age groups in the UK. PLoS ONE, 20(9), e0327671. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0327671


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